Management et culture agile en entreprise

Les mots agile, lean, design thinking, entreprise libérée sont devenus à la mode ; largement repris dans les journaux et magazines sur le management ou encore facilement évoqués dans les discussions en société. Ainsi, informaticiens, méthodologistes, entrepreneurs, tous y trouvent leur compte à se faire l’écho de l’agilité, à réinterpréter le terme, à l’analyser, disserter dessus quitte à ne plus trop savoir de quoi parle-t-on vraiment lorsque cette notion est abordée entre collègues autour de la machine à café.

Le boom de la data et de l’environnement concurrentiel

La complexité du marché économique, son évolution permanente et l’accélération des données et des flux d’information mettent les entreprises devant le fait accompli d’un espace concurrentiel toujours plus fort et d’un besoin quasi vital de se réinventer pour exister dans l’arène de la compétition. Se réinventer ? Le maître-mot des managers pour continuer de croître, gagner de nouveaux marchés, développer ses activités à l’international, bref attirer de nouveaux clients !

Agile, tu seras avec tes équipes !

Les firmes doivent évoluer avec leur temps et avec un espace qui s’est fortement digitalisé à une vitesse sans précédent. Que ce soit pour réduire des coûts, renforcer leurs spécialisations ou leurs différentiations par les produits et/ou les services, les entreprises sont à la recherche d’un avantage comparatif qui leur permettra de se distinguer de leurs concurrents. Elles doivent se transformer, adapter leur modèle organisationnel et leur façon de travailler. Cet avantage consiste le plus souvent à adopter des méthodes agiles par exemple en matière de gouvernance et de conduite de projet. Une entreprise est dite agile lorsque ses différents services collaborent en synergie afin d’anticiper et d’intégrer le changement en s’appuyant sur la conjonction de trois vecteurs.

  • La motivation rationnelle des ressources humaines ;
  • L’usage cadré des nouvelles technologies ;
  • La revue permanente des processus métiers.

Les organisations qui ont vraiment su prendre ce virage de l’agilité, notamment les startups, ont constaté des résultats probants tant sur le plan de la rapidité de lancement de leurs produits que de la qualité de leurs livrables.

Agile, tu seras au fil des projets

La naissance des méthodes agiles remonte aux années 1930 et 40 aux États-Unis. Elles étaient appliquées à la production informatique à la fin des années 50, avant qu’elles ne soient démocratisées partout dans le monde et déclinées sous différentes formes. La plus connue et partagée reste le manifeste agile publié en 2001. Cependant, cette promesse d’agilité demeure aujourd’hui insaisissable pour beaucoup de structures ; malgré le fait que le changement est devenu incontournable pour faire face à l’accélération des flux économiques et l’explosion des données (data). A l’arrivée, bon nombre d’entreprise n’arrivent pas à atteindre les résultats escomptés par les méthodes agiles mises en place.

Agile, tu seras pour s’ouvrir au changement

Tout au début de cette transformation et ceci avec la bonne volonté des collaborateurs, tout semble bien démarrer. Les affichages muraux sont en place avec les post-it, les dalles tactiles, la gestion des priorités, les stand-up meeting, les rétrospectives… une panoplie d’outils pour accueillir ce changement à bras ouvert. Néanmoins, après les premiers mois, plus rien ne progresse car la culture traditionnelle de l’organisation oppose une forte résistance. Les comités, les outils, les processus et procédures de contrôle organisationnel qui sont enracinés dans l’entreprise ralentissent la mise en œuvre des projets agiles. Pire, les dispositifs mis en place se révèlent peu propice au mode de fonctionnement agile. Selon le 12e sondage annuel de l’organisme « State of Agile », l’adoption des méthodes agiles échoue principalement à cause de la culture de l’entreprise qui est incompatible avec les valeurs fondamentales de l’approche agile (53%), et la pression managériale pour suivre les processus traditionnels (42%). Le constat est clair : l’incapacité à surmonter la résistance culturelle constitue la principale barrière à l’adoption de ce nouvel état d’esprit « agiliste ». Souvent menées de manière Bottom-Up, les transformations s’attaquent aux équipes opérationnelles sans changer l’environnement autour ; alors qu’une approche Top-Down serait plus intéressante car elle sensibiliserait les dirigeants au changement et au renoncement de certaines formes de contrôle et de pouvoir hiérarchique.

Agile, tu devras être pour valoriser ta culture d’entreprise

La culture agile ne s’applique pas, elle se vit ! Il s’agit d’un état d’esprit qui doit se partager par tous et à tous les niveaux de l’organisation pour réussir : opérationnel, tactique et stratégique. Plusieurs aspects sont à prendre en compte pour favoriser l’émergence d’une culture agile au sein de l’entreprise. Voici 7 commandements qui donnent le « LA » de l’agilité en interne…

Engagement fort des dirigeants

La décision du changement doit émaner de l’équipe de direction pour que l’approche agile puisse prendre racine ; notamment en changeant les leviers de contrôle et en favorisant la créativité et le droit à l’erreur des équipes.

Collaboration entre les fonctions IT et les métiers

Les fonctions IT ne peuvent pas à elles seules mettre en place une philosophie agile. Il est crucial d’établir une relation étroite entre les fonctions IT et les métiers. La mise en œuvre de l’approche agile dans l’entreprise doit être vécue comme une responsabilité conjointe.

Simplification des outils

Le focus sur les outils est important mais il ne doit pas se limiter à une vision mécanique des choses. Comme pour beaucoup de dispositifs de pilotage, la simplicité des outils et leur application en bonne intelligence font souvent la différence et leur efficacité.

Implication des RH

Une organisation agile requiert des « Soft Skills » en matière de prise d’initiative, d’empathie et de créativité. C’est pourquoi les ressources humaines doivent intégrer ces compétences à leur pilotage des actions de management et des carrières. Ceci est d’autant plus important que les générations Y et Z sont demandeuses de ce type de fonctionnement, plus interactif, plus collaboratif et plus porteur de sens.

Partage de la stratégie d’entreprise

Les collaborateurs doivent avoir une vision claire et partagée de la stratégie de l’entreprise afin de faire le lien entre l’impact des projets d’agilité en interne et la réalisation des objectifs de la firme.

Bien choisir ses partenaires

Les coachs agiles sont parfois sollicités afin de faciliter la transition et déployer les nouvelles méthodes de travail dans toute l’entreprise. Attention aux profils trop théoriques qui manquent d’expérience et de recul sur le sujet.

Donner du temps à la transition

Il est important de comprendre où se situe l’organisation et de définir les phases de transition en fonction de sa maturité et de son niveau de préparation. Les travaux de Kurt Lewin en matière du changement ont donné lieu à un modèle qui se construit en trois phases :

  • La phase de décristallisation des normes (Unfreeze) correspond à l’abandon des comportements et des attitudes habituelles et à la création d’une motivation pour changer. Cette décristallisation est rendue possible par la discussion en groupe, favorisant la remise en cause des normes du groupe.
  • La phase de déplacement (Change) donne lieu à un changement par la réduction des forces de résistance que représente l’attachement aux normes. Il s’agit d’une phase de transition où l’on expérimente les nouvelles pratiques.
  • La phase de cristallisation (Refreeze) repose sur l’intégration de nouvelles habitudes et la création d’un nouveau référentiel de normes.

En résumé, l’agilité est bien plus qu’une simple méthode associée à des outils au service de la stratégie opérationnelle des équipes. L’agilité est avant tout un état d’esprit et une philosophie. Elle s’appuie sur un socle fondateur : l’organisation et une culture forte avec des valeurs qui ont pour ambition de rendre plus souple et réactive la structure de l’entreprise. Cette transformation de l’entreprise est d’ailleurs elle-même un projet de longue haleine qu’il convient d’accompagner et surtout de ne pas brusquer !

Soufiane Taoufiq, Chef de Projet pour le groupe Océane Consulting, Enseignant à Paris-Dauphine